Vous les zombies… de Robert A. Heinlein (1959)

Contexte de l’histoire de l’oeuvre

Robert A. Heinlein, l’un des piliers de la science-fiction moderne, a publié la nouvelle Vous les zombies… (titre original : All You Zombies…) en 1959. Cette œuvre est souvent citée comme un tour de force narratif et un exemple parfait du paradoxe temporel. Bien qu’elle ne fasse que quelques pages, cette nouvelle explore des thèmes complexes tels que l’identité, le déterminisme et la nature du temps. Heinlein est connu pour ses idées audacieuses et ses intrigues ingénieuses, et Vous les zombies… ne fait pas exception à cette réputation. En fait, cette histoire est souvent utilisée dans les cours de littérature pour illustrer ce que peut réaliser la science-fiction en termes de flexibilité narrative et de manipulation des concepts théoriques.

La période où Heinlein a écrit cette nouvelle est marquée par un intérêt croissant pour les voyages dans le temps, reflété dans les œuvres contemporaines et les réflexions philosophiques. Vous les zombies… capte parfaitement cette curiosité de l’époque et la pousse à ses limites ultimes en forçant le lecteur à reconsidérer ce qu’il sait sur le genre humain et ses relations. Cette œuvre continue d’être étudiée et analysée, démontrant que sa pertinence et son impact n’ont pas diminué avec le temps.

Résumé de l’histoire

L’histoire commence dans un bar en 1970, où un barman engage la conversation avec un client surnommé « l’Inconnu », qui se présente comme un écrivain de confessions à sensation. L’Inconnu raconte une histoire captivante et incroyable sur sa vie. Né en 1945 en tant que Jane, un orphelin abandonné sur le pas d’une porte, il grandit et découvre progressivement son identité complexe.

Jane, en grandissant, montre des aptitudes et une intelligence remarquables, mais elle a du mal à trouver sa place dans le monde en raison de son apparence androgyne. Lorsqu’elle atteint l’âge adulte, elle rencontre finalement un homme mystérieux qui la séduit et la met enceinte avant de disparaître. Jane donne naissance à un enfant mais découvre qu’elle est intersexuée (ayant à la fois des caractéristiques masculines et féminines). Compte tenu de complications médicales, les médecins sont contraints de la transformer en homme, rendant impossible pour elle/il de se reconnaître dans l’un ou l’autre genre.

L’enfant de Jane est kidnappé à la naissance, ce qui la plonge dans une profonde tristesse. Sous un nouveau nom masculin, John, il/elle tente de commencer une nouvelle vie mais est hantée par ce passé tumultueux. C’est alors qu’il/elle découvre le barman, qui révèle être un agent temporel. Le barman emmène John dans un voyage dans le temps, utilisant une machine pour explorer divers points de l’histoire.

Le barman finit par révéler à John qu’il est aussi Jane, que l’homme mystérieux qui avait séduit Jane n’était autre que lui-même, et que l’enfant kidnappé était également une version plus jeune de lui-même. En d’autres termes, Jane, John, le barman et l’homme mystérieux sont tous la même personne à différentes époques de sa vie, impliquant un cercle temporel fermé.

À la fin du récit de l’Inconnu, celui-ci est confronté à la réalité de sa propre existence complexe et cyclique. Le barman, en révélant cette histoire, admet qu’il est lui aussi piégé dans ce cycle éternel.

(originellement publié en 1959).

La fin de l’œuvre

La fin de Vous les zombies… de Robert A. Heinlein est un tour de force narratif qui expose un paradoxe temporel complexe et captivant. À mesure que l’histoire culmine, on découvre que les différents personnages, Jane, le Barman, et le mystérieux agent temporel, ne sont en réalité qu’une seule et même personne se rencontrant à différentes étapes de sa vie.

Le récit de Jane, qui commence par une vie difficile en tant que femme délaissée, prend un tournant lorsqu’elle rencontre un homme fascinant dont elle tombe enceinte. Après avoir accouché, elle est enlevée par un agent temporel qui la ramène en arrière dans le temps. À la stupéfaction du lecteur, on apprend rapidement que Jane a donné naissance à elle-même – le bébé qu’elle met au monde est en réalité la même personne qu’elle, mais à un stade antérieur de sa vie.

Lorsque Jane devient John, un processus de transformation par chirurgie et changement de genre l’assomme, elle commence une nouvelle vie en tant qu’homme. C’est à ce moment-là qu’il (maintenant John) est recruté par une agence temporelle où il croise à nouveau le Barman, qui n’est autre que lui-même à un stade futur de sa vie.

L’apothéose du récit survient lorsque le Barman révèle à John qu’il est l’homme que Jane a rencontré et aimé, et donc qu’il est son propre père ainsi que sa propre mère. Le germination du cycle fût de placer dans le temps, les étapes de chacune de ses versions respectives, fermant la boucle temporelle d’une manière fascinante et perturbante. Le « Barman » clôt son histoire en retournant dans le temps pour recruter un plus jeune lui, perpétuant ainsi un cycle éternel.

Révélations-clés :

• Jane, John et le Barman sont la même personne.
• Jane a donné naissance à elle-même, créant un paradoxe temporel.
• John est sa propre mère et père, boucle temporelle où chaque personnage n’est qu’une phase de cette unique personne.
• Le personnage principal recrute et guide ses propres versions à différents âges, recréant sans cesse ce cycle, de manière autonome et perpétuelle.

La résolution de Vous les zombies… amène le lecteur à comprendre la nature du paradoxe temporel central. Ayant tracé le cycle complet de sa propre existence, Jane/John/Barman devient la personnification de l’auto-alimentation temporelle, où chaque évènement de sa vie est à la fois cause et conséquence.

Points clés :

• Identité et nature cyclique : Toute l’identité du personnage est définie par ce cycle auto-entretenu.
• Paradoxe du voyage temporel : Heinlein explore la possibilité d’une boucle temporelle où un individu peut être son propre ancêtre.
• Contemplation existentielle : La fin invite à réfléchir sur la nature de l’identité, du destin et du libre arbitre dans un contexte de paradoxe temporel.
• Autonomie et continuité : Le personnage crée et se perpétue indépendamment de toute intervention extérieure, soulignant une boucle fermée et autonome.

La conclusion de cette nouvelle demeure l’un des exemples les plus célèbres de la science-fiction abordant le paradoxe du voyage temporel, illustré avec une intensité et une clarté qui capture l’imagination du public encore des décennies après sa publication.

Analyse et interprétation

« Vous les zombies… » dresse un portrait complexe des thèmes de l’identité, du temps et du destin, abordant la fluidité de la personne et notre relation avec les événements de nos vies. Analysons comment la fin de l’œuvre cristallise ces thèmes.

L’une des notions fondamentales que Heinlein explore est celle de l’identité. Le protagoniste, grâce à une série de révélations stupéfiantes, découvre qu’il est à la fois son propre père, sa propre mère, et la personne qui lui a permis de réaliser ces transformations de genre au cours du temps. Cette complexité de soi engendre une introspection profonde sur la nature de l’individualité. Est-ce que nous sommes définis par nos expériences, nos souvenirs, ou quelque chose de plus insaisissable ? Bien que cela puisse paraître extrême, l’idée sous-jacente est que l’identité peut être bien plus malléable que nous ne le pensons.

Un autre thème crucial est celui du voyage temporel et du destin. L’histoire se déploie dans un cadre où les actions passées et futures du protagoniste et leur enchevêtrement créent une boucle temporelle parfaite. Le concept du « serpent qui se mord la queue » est une illustration métaphorique de cette boucle, suggérant que le temps peut être à la fois linéaire et cyclique. La fin de l’œuvre met en lumière la question de la prédestination versus le libre arbitre. Le protagoniste est-il réellement aux commandes de son destin, ou est-il simplement un pion dans un jeu complexe orchestré par le temps lui-même ?

Pour interpréter la fin, deux perspectives se dessinent.

L’interprétation sérieuse/probable voit l’histoire comme une exploration philosophique des paradoxes temporels et de la multiplicité de l’identité. En fin de compte, Heinlein semble suggérer que l’identité humaine est un construct complexe, façonné autant par le temps que par l’expérience personnelle. Cette boucle temporelle parfaite symbolise peut-être notre lutte permanente pour comprendre notre place dans le cosmos et pourrait être perçue comme une métaphore de notre quête incessante de sens.

D’un point de vue différent, une interprétation farfelue pourrait envisager l’histoire comme une satire des récits de science-fiction. Heinlein, en créant une boucle temporelle aussi inextricable, pourrait se moquer des complexités souvent inutiles imposées par les récits de voyage temporel. Peut-être l’auteur joue-t-il avec l’idée que, peu importe à quel point nous essayons de manipuler ou de comprendre le temps, nous finissons toujours par nous retrouver au même point – littéralement nous-mêmes ! Cette perspective humoristique amène une critique subtile de notre obsession pour le contrôle et l’analyse du futur.

Finalement, « Vous les zombies… » est une œuvre multi-facettes qui soulève plus de questions qu’elle n’en résout. C’est probablement cette capacité à susciter des réflexions profondes qui en fait une nouvelle si mémorable et percutante. Que l’on voie Heinlein comme un philosophe des paradoxes temporels ou un auteur ironique, il nous offre une exploration captivante et déroutante de la nature humaine et du temps.

Suite possible

Suite sérieuse et probable

Il est toujours fascinant d’envisager ce que pourrait être la suite d’une œuvre aussi complexe et riche en paradoxes que « Vous les zombies… » de Robert A. Heinlein. Une suite sérieuse pourrait explorer les implications plus larges des voyages dans le temps sur le monde et la psychologie du protagoniste. Après avoir révélé et accepté son identité en tant que Jane, John, l’homme digne de confiance, la femme sans scrupules, et enfin l’agent de temps, le personnage pourrait être engagé dans des missions encore plus compliquées qui testeraient les limites de son adaptation psychologique et émotionnelle.

Des missions pourraient les amener à interagir avec d’autres agents de voyage dans le temps ou à tenter de résoudre des anomalies temporelles encore plus désastreuses. Dans cette suite, nous pourrions aussi explorer plus en profondeur le « Bureau Temporal » et les règles qui régissent les lois du temps. Les dilemmes éthiques et les répercussions des voyages dans le temps sur la réalité pourraient constituer l’axe central de cette nouvelle histoire, tout en continuant de maintenir l’essence du caractère cyclique de l’identité multiple du protagoniste.

Les nouvelles relations qu’ils établiraient au cours de leurs missions et les fragments d’identité qu’ils découvriraient à chaque voyage pourraient offrir des perspectives psychologiques riches et des scénarios captivants où la nature de l’existence et l’identité sont continuellement remises en question. L’ajout de nouveaux personnages, affectés de différentes manières par les voyages dans le temps, pourrait encore enrichir l’intrigue.

Suite improbable et ludique

Prenons un virage audacieux et imaginons une suite où nous assistons à une rencontre historique entre toutes les versions de John/Jane à différentes étapes de sa vie, toutes réunies autour d’une table ronde pour discuter des aléas de leur existence partagée. En vertue du chaos temporel, imaginez qu’une fracture dans le continuum crée une situation où le protagoniste peut interagir librement avec toutes ses incarnations. Ils pourraient devoir travailler ensemble pour résoudre une situation temporelle si désespérément compliquée que même les lois du temps sont impuissantes à la réguler.

On pourrait imaginer une série de situations humoristiques où les différentes versions se chamaillent sur des détails de leur vie commune tout en essayant de synchroniser leurs efforts pour éviter une catastrophe multitudinale. Ils pourraient se retrouver dans des situations hilarantes, comme se retrouver à convaincre une gouvernement d’une autre époque de la véracité de leur existence tout en se disputant sur lequel d’entre eux est effectivement le plus « réussi. »

L’ajout de personnages farfelus, comme un agent de temps sardonique venu du futur ou un animal de compagnie robotique défectueux, pourrait encore pimenter cette suite. Peut-être que le protagoniste découvre également une école secrète pour agents de temps où il/elle doit désormais jongler avec les exigences académiques et les paradoxes temporels.

Conclusion

« Vous les zombies… » de Robert A. Heinlein est une nouvelle fascinante qui nous confronte à des questions profondes sur l’identité, le libre arbitre et les implications des voyages dans le temps. Sa fin paradoxale laisse le lecteur dans un état de réflexion constante, cherchant à démêler les fils de cette histoire complexe. En imaginant des suites, qu’elles soient sérieuses ou plus fantaisistes, nous explorons encore plus loin les potentialités infinies de l’intrigue.

Alors que la suite sérieuse approfondirait les implications éthiques et psychologiques des voyages dans le temps, la suite plus fantasque offrirait un répit joyeux où le contenu existentiel de l’œuvre originale pourrait être traité avec une légèreté bienvenue. Quel que soit le chemin imaginaire que nous choisissons de suivre, l’œuvre de Heinlein continue de nous captiver et d’alimenter notre imagination, rappelant pourquoi il reste l’un des maîtres inégalés de la science-fiction.

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