Boule de suif de Guy de Maupassant (1899)

Contexte de l’histoire de l’œuvre

« Boule de suif » est une nouvelle de l’écrivain français Guy de Maupassant, publiée pour la première fois en 1880. Elle est rapidement devenue l’un des récits les plus célèbres de Maupassant, contribuant à sa notoriété en tant que maître de la nouvelle. L’œuvre est publiée dans le recueil collectif « Les Soirées de Médan », rassemblant les contributions d’auteurs naturalistes influents comme Émile Zola et Joris-Karl Huysmans.

Guy de Maupassant, né en 1850 et décédé en 1893, est reconnu pour ses talents exceptionnels à saisir les nuances de la société française du XIXe siècle. « Boule de suif » s’inscrit dans cette veine réaliste et met en lumière les contradictions et hypocrisies de la société bourgeoise de l’époque.

La nouvelle se déroule pendant la guerre franco-prussienne de 1870, offrant un cadre historique dramatique et complexe. Les thèmes de patriotisme, de courage, de sacrifice et de moralité sont explorés au travers des interactions des personnages, rendant l’œuvre à la fois poignante et universelle.

Résumé de l’histoire

L’histoire de « Boule de suif » se déroule durant la guerre franco-prussienne de 1870. Alors que la France est occupée par les Prussiens, un groupe hétéroclite de voyageurs se retrouve dans une diligence quittant Rouen pour Le Havre, espérant échapper à l’occupation.

Parmi eux se trouve Élisabeth Rousset, surnommée « Boule de suif » en raison de sa corpulence. Prostituée de profession, elle est malgré cela une patriote fière et déterminée. Les autres passagers comprennent un couple de commerçants, M. et Mme Loiseau; des aristocrates, le comte et la comtesse Hubert de Bréville; des notables, M. Carré-Lamadon et sa femme; et deux religieuses ainsi qu’un démocrate radical, Cornudet.

Au début du voyage, Boule de suif est traitée avec mépris par ses compagnons de voyage, en raison de son statut social. Cependant, lorsqu’ils se retrouvent bloqués à Tôtes par une armée prussienne, les choses prennent une tournure dramatique. Un officier prussien refuse de les laisser partir à moins que Boule de suif n’accepte de coucher avec lui. Face à cette situation, Boule de suif refuse catégoriquement, malgré la pression de ses compagnons de voyage qui cachent à peine leur indignation et condescendance.

Après plusieurs jours d’attente, la faim et l’inconfort mènent les passagers à persuader Boule de suif, chacun utilisant ses arguments personnels — allant de la sollicitude apparente à des menaces voilées. Finalement, sous la promesse que ce geste sauverait tout le monde, Boule de suif cède et passe la nuit avec l’officier prussien. Le lendemain, les voyageurs sont effectivement libérés et la diligence peut repartir.

Cependant, une fois en route, Boule de suif est ostracisée par ses compagnons, désormais désireux d’oublier son sacrifice. Ils ignorent ses tentatives de conversation et refusent toute association avec elle, allant même jusqu’à lui refuser la nourriture qu’elle-même avait généreusement partagée au début du voyage. Boule de suif, profondément blessée et affamée, reste isolée et pleure silencieusement, mettant en lumière la cruauté et l’hypocrisie des bourgeois qu’elle a sauvés.

La fin de l’œuvre

La fin de « Boule de suif » de Guy de Maupassant est marquée par une intensité émotionnelle et une ironie mordante qui jette une lumière crue sur la nature humaine et les hypocrisies sociales. Après un périple ardu, l’issue du voyage des dix personnages dans la diligence se joue à Fécamp.

Alors qu’ils arrivent au terme de leur voyage, Boule de Suif, la prostituée surnommée ainsi par ses compagnons de voyage, est contrainte de céder aux exigences du Prussien en échange de la liberté de tous. Elle consent à passer la nuit avec l’officier, espérant ainsi sauver ses compagnons de leur captivité prolongée. La morale élastique des bourgeois, qui trouvent normal de lui demander ce sacrifice pour leur propre confort, révèle la perfidie de leur caractère.

Le sacrifice de Boule de Suif est censé apporter la délivrance, mais il ne lui vaut que mépris et rejet de la part de ceux qu’elle a secourus. Une fois le Prussien satisfait et la route finalement libre, le groupe reprend sa route. L’atmosphère à bord de la diligence change radicalement envers Boule de Suif. Délaissée par ceux qu’elle a aidés, elle se trouve isolée et ostracisée, comme si son sacrifice l’avait rendue indigne à leurs yeux. Ses compagnons de voyage, qui l’avaient initialement défendue et utilisée pour leur propre salut, ne montrent aucun signe de gratitude.

Dans les dernières pages de l’histoire, Boule de Suif est assise, silencieuse, tordue de sanglots, tandis que les autres se replongent dans leurs conversations stériles, tachant d’oublier leur propre lâcheté et ingratitude. Les bonnes sœurs récitent des prières comme pour absoudre la conscience de chacun, et Cornudet, le démocrate, sifflote « la Marseillaise » ironiquement, symbole de liberté et de révolte, ajoutant encore à l’absurdité de la situation.

Dans ce final, Maupassant nous confronte à un miroir virulent de la société de son époque, mettant en exergue l’idée que les vrais héros sont souvent ceux que la société méprise. La morale de l’histoire nous pousse à réfléchir sur la notion de sacrifice, l’hypocrisie sociale, et surtout, sur la question de l’humanité face à l’adversité. Boule de Suif, victime sacrifiée de l’égoïsme bourgeois, finit par incarner la pureté du dévouement face à la bassesse humaine.

Analyse et interprétation

Boule de Suif, publié en 1880 par Guy de Maupassant, est une œuvre riche en thèmes et en symbolisme, notamment la critique de la bourgeoisie, l’hypocrisie sociale et l’honneur. La fin de cette nouvelle est particulièrement marquante et mérite une analyse approfondie pour en révéler toute la profondeur.

À la fin de l’œuvre, après avoir cédé aux pressions et aux supplications de ses compagnons de voyage, Élizabeth Rousset – surnommée Boule de Suif – accepte de se sacrifier pour le bien commun en cédant aux avances de l’officier prussien. Cependant, une fois le but atteint et la route libre, elle est méprisée et rejetée par les mêmes personnes qui l’avaient implorée, dénonçant ainsi leur hypocrisie et leur ingratitude. Ce dénouement renforce plusieurs thèmes centraux de l’œuvre.

Thèmes importants abordés

La fin de Boule de Suif aborde divers thèmes majeurs :

• Hypocrisie sociale : Les voyageurs, représentant diverses couches de la société, font preuve d’hypocrisie en d’abord condamnant puis sollicitant Boule de Suif pour ensuite la mépriser.
• Critique de la bourgeoisie : Maupassant critique le confort matériel et le cynisme moral des bourgeois qui sont prêts à sacrifier l’honneur des autres pour leur propre bien-être.
• Sacrifice et honneur : Boule de Suif, malgré son statut de prostituée, montre un sens de l’honneur et du sacrifice bien supérieur à celui des autres voyageurs, soulignant ainsi leur lâcheté et leur bassesse.

Analyse de la fin

La fin de Boule de Suif n’apporte pas une résolution satisfaisante pour l’héroïne, mais elle expose de manière cruelle et poignante la réalité des rapports humains et sociaux. Une interprétation sérieuse de cette fin pourrait voir le sacrifice de Boule de Suif comme une critique acerbe de la société française de l’époque. Elle est la victime d’un système inique où les opprimés ne reçoivent ni gratitude ni justice, même lorsqu’ils se sacrifient pour les autres.

Le personnage de Boule de Suif, bien qu’initialement rejeté pour son métier, est finalement révélé comme le seul personnage véritablement honorable. Cette fin amère souligne l’hypocrisie et la superficialité des valeurs bourgeoises, tout en mettant en lumière la noblesse d’âme que peuvent posséder ceux qu’on méprise souvent sans réflexion.

Interprétations de la fin

Une interprétation probable pourrait voir la fin comme un témoignage de l’inégalité des classes et des genres. Boule de Suif est victime de la double peine de la guerre et de la stratification sociale. Cette nouvelle met en lumière les sacrifices exigés des femmes, souvent invisibles, non récompensés et rapidement oublié même par ceux qui en bénéficient. Maupassant critique ici une société qui exploite sans merci les opprimés, tout en glorifiant hypocritement des valeurs morales qu’elle ne respecte pas.

Pour une autre interprétation plus inattendue, imaginons que Boule de Suif avait en réalité un plan bien précis : en cédant à l’officier prussien, elle voulait non seulement sauver ses compagnons mais également profiter de l’occasion pour se rendre indispensable. Une fois les autres voyageurs libres et en sécurité, et voyant leur changement d’attitude à son égard, elle pourrait feindre la soumission tout en gardant une poigne stratégique sur les événements à venir, mettant ainsi en place une vengeance subtile contre ceux qui l’ont trahie. Pourquoi ne pas imaginer qu’avec son caractère perspicace et résilient, elle devienne une figure influente, retournant les circonstances en sa faveur tout en exposant encore plus cruellement la fausseté de ses compagnons de voyage ?

En somme, la fin de Boule de Suif est un miroir des tensions sociales et des inégalités inhérentes à la société de l’époque, tout en offrant des possibilités de lectures multiples aussi bien sérieuses qu’originales.

Suite possible

Suite sérieuse et probable

Si Guy de Maupassant avait souhaité continuer l’histoire après « Boule de Suif, » il aurait probablement exploré les conséquences du voyage et des actions des personnages. Les suites possibles sont nombreuses, mais certaines pistes semblent plus probables que d’autres si l’on se base sur le portrait réaliste et acerbe de la société que fait l’auteur.

Dans une suite réaliste, nous pourrions suivre les conséquences directes du sacrifice de Boule de Suif. Elle retourne à Rouen, mais son acte de compassion et son sacrifice ne trouveraient probablement pas reconnaissance. Les autres passagers, ayant déjà montré leur hypocrisie et leur égoïsme, reviendraient probablement à leur routine bourgeoise sans un regard en arrière. Boule de Suif, marquée par une amère désillusion, pourrait même être évitée et discréditée davantage par la société à cause de son statut.

Les autres personnages continueraient à prospérer et à s’enfoncer dans leurs préjugés respectifs. Par exemple, Monsieur et Madame Loiseau pourraient retrouver leur commerce prospère mais restent toujours superficiels et centrés sur eux-mêmes. Le comte et la comtesse Hubert de Bréville, représentant l’aristocratie déchue, conserveraient leurs illusions de grandeur, renforçant ainsi leur hypocrisie et leur vanité.

Cette suite mettrait en lumière les effets à long terme de la guerre et des comportements humains désinvoltes dans le contexte de l’occupation prussienne, en soulignant l’indifférence cruelle de la société du XIXe siècle et l’absence de justice pour les moins fortunés.

Suite originale et surprenante

Imaginons maintenant une suite plus inattendue pour insuffler un peu de fantaisie dans la continuation de « Boule de Suif ». Ici, Boule de Suif devient une figure révolutionnaire. Suite à l’indignation et à la trahison qu’elle a vécues, elle se construit une nouvelle identité et forme un groupe rebelle visant à lutter contre la bourgeoisie et l’aristocratie hypocrites qu’elle a côtoyées.

Boule de Suif, renommée « La Justicière de Rouen », commence à attaquer les biens des bourgeois et des aristocrates qui l’ont humiliée. Avec quelques alliés fidèles, elle met en place des plans complexes pour exposer l’hypocrisie et la corruption de la société. Monsieur et Madame Loiseau, par exemple, pourraient souffrir de sabotages anonymes affectant leur commerce tandis que Cornudet pourrait être publiquement ridiculisé pour ses contradictions idéologiques.

Le passage de Boule de Suif de victime à vengeresse féroce introduirait une dimension totalement nouvelle à l’histoire, en ajoutant une dynamique de résistance et de justice poétique. Les intrigues et complots qu’elle échafauderait mettraient en lumière la lutte des classes dans un style quasi aventuresque.

Conclusion

En conclusion, « Boule de Suif » de Guy de Maupassant est une œuvre qui dépeint avec acuité la complexité humaine, l’hypocrisie sociale et les injustices de classe. En nous plongeant dans ce microcosme de la société française de la fin du XIXe siècle, Maupassant nous offre une critique mordante et une observation fine des comportements humains en situation de crise.

La fin de « Boule de Suif » est une puissante illustration de l’injustice et du cynisme qui dominent les rapports sociaux, en particulier en temps de guerre. Mais cette œuvre classique offre aussi un terreau fertile pour des interprétations et des prolongements narratifs variés. Que l’on prenne une suite sérieuse où les conséquences réalistes des actions se déploient ou une suite plus créative où Boule de Suif devient une héroïne subversive, les possibles sont vastes et stimulent l’imagination du lecteur.

Maupassant nous rappelle, à travers cette nouvelle, que les choix individuels et collectifs ont des répercussions profondes, souvent teintées d’ironie et de désillusion. Et en cela, « Boule de Suif » reste une œuvre intemporelle et poignante.

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